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La mesure de l’état hydrique

Dans un contexte de changement climatique et avec une répartition des précipitations annuelles de plus en plus aléatoire l’évaluation de la contrainte hydrique en viticulture est plus que jamais d’actualité. Pour ce faire, les vignerons et techniciens ont à leur disposition différents outils. Cette fiche technique recense et décrit brièvement l’ensemble des méthodes et outils de mesure utilisés en viticulture.

 

...de la vigne

 

Méthode des apex – indice de croissance des apex

Basée sur de simples observations de terrain, cette méthode permet de caractériser la croissance végétative de la vigne. Les observations doivent être réalisées sur une cinquantaine de rameaux sélectionnés aléatoirement sur la parcelle suivie. L’extrémité de ces derniers, appelée apex, doit être caractérisée et classée dans une des trois catégories suivantes : arrêt de croissance (= stade C = l’apex est sec) ; croissance ralentie (= stade R = si je rabats les deux premières feuilles, celles-ci vont se rabattre au-dessus du niveau de l’apex) ; pleine croissance (= stade P = si je rabats les deux premières feuilles, celles-ci vont se rabattre en-dessous du niveau de l’apex) [figure 1].

Figure 1 : Les différentes catégories de classement d'apex (photo 1 = apex sec [C] ; photo 2 = les deux dernières feuilles étalées recouvrent l'apex [R] ; photo 3 = les deux dernières feuilles étalées ne recouvrent pas l'apex [P]), source : IFV Occitanie

 

A partir de là, l’Indice d’Arrêt de Croissance (IAC) peut être calculé à l’aide de la formule suivante :

Cet IAC calculé permet ensuite d’extrapoler sur le niveau de contrainte hydrique subit par la vigne : absence (niveau 0), modérée (niveau 1), forte (niveau 2), sévère (niveau 3). Afin de faciliter ces observations et ce calcul, l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) a développé une application mobile gratuite intitulée Apex Vigne. Sur cette dernière, il est possible de suivre notamment la croissance de la vigne ainsi que la contrainte hydrique [figure 2].

Figure 2 : Visuel de suivi de la croissance de la vigne et de la contrainte hydrique sur l'application Apex Vigne, source : https://apexvigne.agrotic.org/Légende

 

Pour aller plus loin :

 

Chambre à pression – Potentiel hydrique (foliaire, foliaire de tige, foliaire de base)

Appliquée à une feuille de vigne, la mesure du potentiel hydrique foliaire (phf), à l’aide d’une chambre à pression, est LA méthode de référence actuelle utilisée par les techniciens viticoles pour mesurer l’état hydrique de la plante (pour assurer un suivi « rigoureux », il est préférable de réaliser à minima trois relevés sur des placettes fixes). Le principe est le suivant : mettre sous pression le pétiole d’une feuille avec un gaz neutre (souvent de l’azote) pour estimer la capacité des cellules de cette dernière à retenir l’eau. Pour ce faire, il faut glisser une feuille dans la chambre et monter la pression jusqu’à ce qu’une goutte de sève perle du pétiole. La valeur de pression que l’on obtient (en Bar ou en MPa) permet de définir l’état hydrique de l’organe prélevé. Les valeurs seuils définies par Van Leeuwen (ISVV, 2008) sont :

Cette méthode, bien que très répandue, présente cependant un inconvénient majeur ; nous observons une forte variabilité des mesures selon la feuille prélevée.Toujours avec une chambre à pression, la mesure du potentiel hydrique foliaire de base (phfb) (plus fiable). Seules différences avec celle décrite ci-dessus, les conditions de mesure et la table de référence pour l’interprétation des résultats. Cette fois-ci, les prélèvements seront effectués en fin de nuit, avant que le soleil ne se lève. Les conditions météorologiques doivent également être les plus stables possible (vent, humidité), pour une meilleure comparaison des résultats. Quant aux valeurs seuils, ce sont les suivantes :

Dernière méthode de mesure de la contrainte hydrique avec une chambre à pression, le potentiel hydrique de tige (pht). Une nouvelle fois, le principe de base est identique mais avec des conditions de prélèvements différentes. Les mesures seront effectuées au « midi solaire », soit à 14H00, sur des feuilles ensachées pour stopper l’évapotranspiration. Cette méthode, davantage sensible aux contraintes hydriques faibles, nécessite une mise en place plus lourde. Pour ce qui est des valeurs seuils, elles sont similaires à celles du potentiel hydrique foliaire.

 Pour aller plus loin :

 

Analyse œnologique - Delta C13 (δ13C)

Dans l’atmosphère, il y a 98,9% de Carbone 12 et 1,1% de son isotope le Carbone 13. En condition de stress, les stomates de la feuille sont fermés et les cellules vont consommer en premier lieu le C12 présent dans la chambre sous-stomatique, puis à défaut elles vont utiliser le C13 pour continuer leur photosynthèse. Par conséquent, en situation de contrainte hydrique, la vigne incorpore du carbone 13 en plus grande proportion. Une analyse du rapport isotopique entre les deux carbones sur les sucres du moût de raisin à la récolte va permettre d’estimer le stress de la plante entre la véraison et la récolte. Cette méthode consiste à analyser via un laboratoire œnologique le rapport Carbone 12 (12C) / Carbone 13 (13C) sur moût ou sur un extrait de composés phénoliques du vin (coût compris entre 25 et 40 € par échantillon de 200 ml). Le résultat obtenu, le delta C13 (δ13C), permet ensuite grâce à une table de référence, d’avoir un indicateur sur le déficit hydrique subit par la vigne sur une période donnée.

 Inconvénient de cette méthode, elle ne peut être mise en place qu’une fois la vendange récoltée et renseigne donc à postériori sur la présence ou non d’un stress hydrique.

 

Sonde de dissipation thermique – Flux de sève

Le flux de sève correspond au déplacement de l’eau depuis les racines vers les feuilles par l’intermédiaire du xylème. Une fois arrivée dans les feuilles, l’eau est « transpirée » (évapotranspiration) via les cellules stomatiques. Le flux de sève mesure directement la quantité d’eau utilisée par la vigne. La méthode de la sonde de dissipation thermique consiste à utiliser des sortes d’aiguilles plantées directement dans le cep de vigne. La chaleur servira de traceur pour évaluer le débit de sève. La sonde comporte deux aiguilles : l’une envoie de la chaleur (aiguille supérieure), l’autre mesure la température (aiguille inférieure). La différence de température obtenue entre celle envoyée et celle mesurée permet une conversion directe en vitesse de flux de sève [figure 3]. Plus le flux est faible, plus la vigne est soumise à un déficit hydrique.

Figure 3: Schéma du principe de fonctionnement d'une sonde de dissipation thermique

 

Pour aller plus loin :

 

Bilan thermique de la tige – Flux de sève 

La méthode du bilan thermique de la tige permet également de mesurer le flux de sève et fonctionne sur le même principe que les sondes de dissipation thermique. Cette fois-ci, on applique une languette chauffée qui est enroulée autour de la tige avec des capteurs de température de part et d’autre (pas de perforation du végétal). La chaleur se diffuse de manière uniforme sur tout la section.

Figure 4 : Capteur de flux de sève posé sur un rameau latéral de vigne. La languette chauffante entoure toute la section du rameau. Des capteurs de température permettent de mesurer la quantité de chaleur déplacée par la sève, source : Fruition Sciences

 

Pour aller plus loin :

 

Poromètre – Conductance stomatique

L’ouverture des cellules stomatiques permet aux feuilles de la vigne l’acquisition de CO2 lors de la photosynthèse, mais également la libération d’eau par évapotranspiration. Un poromètre [Figure 5] est un appareil permettant de mesurer le déséquilibre entre la « demande climatique » (besoin en eau de la plante selon les conditions environnementales) et la disponibilité de l’eau dans le sol. Il se fixe sur la feuille (par pincement) et évalue son taux d’humidification. Cette dernière baisse à mesure que la demande climatique augmente et/ou que la disponibilité hydrique diminue. Cet indicateur permet d’obtenir de manière instantanée l’importance de ce déséquilibre et donc d’en déduire ou non la présence d’un stress hydrique.

Figure 5 : Poromètre, source : https://www.agriexpo.online/fr 

 

Pour aller plus loin :

 

Imagerie infrarouge thermique – Variation de température du feuillage

Lorsque la plante transpire, on observe une diminution de la température à la surface des feuilles. A l’inverse, quand les cellules stomatiques se referment, la température augmente. L’imagerie infrarouge thermique (IRT) permet de capter cette variation de température [figure 6] et d’en déduire un potentiel stress hydrique. Cependant, les premiers essais d’IRT sur vignes ont connus quelques problèmes. En effet, on observe une forte variabilité spatiale et temporelle. 

Figure 6 : Visualisation infrarouge du stress hydrique sur une feuille, source : https://www.vdsthermographie.com/la-thermographie-des-plantes-et-vignes/

 

Bien que cette méthode soit encore en cours de « rodage », l’accès à cette nouvelle technologie a ouvert de nouvelles perspectives pour la mise au point d’outils permettant d’appréhender l’état hydrique de la vigne et le pilotage de l’irrigation. Les images thermiques à haute résolution obtenues permettent d’accroître considérablement la surface foliaire échantillonnée et d’intégrer des surfaces de référence humide et sèche permettant de calculer différents indices (Crop Water Stress Index, Index of canopy conductance).

Pour aller plus loin :

 

Télédétection spatiale (hyper et multispectrale)

Cette méthode (en cours de finalisation) permettra d’identifier de grandes zones soumises à un stress hydrique grâce à l’analyse d’images satellites (satellites Sentinel-2 de l’Agence spatiale européenne). « Le stress hydrique provoque une modification des caractéristiques biophysiques et biochimiques du tissu des plantes, qui se traduit dans la plupart des cas par une modification de leurs propriétés optiques » (Eve Laroche, 2021). Ces modifications de propriétés optiques se caractérisent par des variations de couleurs visibles sur l’imagerie satellite [figure 7].

Figure 7 : Evolution temporelle du statut hydrique pour un parcelle donnée (gauche) (Groupe ICV, 2020) ; prédiction du stress hydrique issue du modèle (droite) ((Laroche-Pinel et al., 2021), source : https://bonnespratiques-eau.fr/2022/03/15/evaluer-letat-hydrique-de-la-vigne-par-teledetection-spatiale/

 

Pour aller plus loin :

 

...du sol

 

Sonde capacitive – Teneur en eau volumique

Une sonde capacitive [figure 8] permet de mesurer l’humidité, la température et éventuellement la salinité du sol tous les 10 cm. Il existe plusieurs tailles de sondes pouvant aller à différentes profondeurs pour s’adapter à tous types de sols et de cultures. L’humidité du sol est mesurée grâce à une onde électromagnétique. Plus la matrice est chargée en eau, plus cette onde aux propriétés électriques se propagera rapidement. Ce type de système permettra de suivra la consommation de l’eau par la plante, l’évaporation, mais également le développement du système racinaire en profondeur.

Figure 8 : Sonde capacitive, source : https://corhize.com/

 

Pour aller plus loin :

 

Sonde tensiométrique – Potentiel hydrique matriciel

La sonde tensiométrique [figure 9] ne mesure pas immédiatement la quantité d’eau présente dans le sol, mais sa disponibilité pour la plante. Installée au plus près des racines, elle mesure le potentiel hydrique matriciel, c’est-à-dire la force que vont devoir exercer les racines pour extraire l’eau. Les sondes tensiométriques fonctionnent grâce à un capteur placé au bout de la sonde dans une bougie poreuse (gypse) et donc perméable à l’eau. Elle se gorge d’eau jusqu’à l’équilibre des pressions entre le sol et le tensiomètre. Ce dernier mesure alors la pression en fonction de la quantité d’eau absorbée.

Figure 9 : Sonde tensiométrique, source : https://www.youtube.com/watch?v=0pTXOWT0nxA

 

Pour aller plus loin :

 

Sonde neutronique – Humidité des sols

Une sonde à neutrons [figure 10], ou sonde neutronique, ou humidimètre à neutrons, est un appareil qui sert à mesurer l’humidité dans des sols (ou à l’intérieur de matériaux pleins). La sonde neutronique génère un flux de neutrons rapides, associé à deux détecteurs de neutrons lents. Ces neutrons, d’énergie cinétique élevée au départ, sont voyager dans le sol. Pendant leur trajet, ils vont rencontrer des atomes de différentes natures. Suite aux chocs, ils vont être ramenés à un niveau d’énergie bas, et ralentir. Les détecteurs (hélium) vont comptabiliser les neutrons ralentis et donc détecter le taux d’humidité du sol.

Figure 10 : Principe d'une sonde neutronique, source : https://www-ig.unil.ch/dia51f.htm

 

 

Tomographie – Résistivité électrique

La tomographie, ou sondage électrique, est une méthode d’exploration du sous-sol qui repose sur la mesure de la résistivité électrique. Elle permet d’évaluer la capacité du courant électrique à circuler dans le milieu et offre la possibilité de spatialiser les différents horizons du sol ainsi que de localiser leur variation d'humidité. Il est donc possible à partir de cette mesure de quantifier l'eau disponible pour la vigne.

Figure 11 : Pseudo-section de variation relative de la résistivité électrique d’une parcelle de vigne entre avril et septembre, source : Goulet & Barbeau, 2006

Le principe de fonctionnement d’un résistivimètre est le suivant : une batterie injecte du courant via deux électrodes plantées dans le sol. Deux autres électrodes mesurent le potentiel électrique. La différence de potentiel mesurée aux bornes des électrodes permet ensuite de calculer la résistivité apparentes puis de dresser une cartographie d’une section de sol appelée pseudo-section [figure 11]. On peut alors identifier les différents horizons et les zones humides.

 

 Pour aller plus loin :

 

Technologie radar

Cette technologie est en cours de développement en Champagne. Le principe se base sur des capteurs attelés à une sorte de chariot qui vont permettre une prospection à 3 mètres. Davantage d’informations devraient sortir prochainement (article) sur cet outil en cours de calibration.

Cette fiche présente de manière quasi exhaustive les OUTILS de mesure de la contrainte hydrique subit par la vigne. Il existe également des modèles de prévision permettant de modéliser les potentiels déficits. L’outil Bilan hydrique d'E-terroir permet par exemple de suivre jour après jour le bilan hydrique des parcelles de vigne grâce au modèle Walis, en fonction de la nature des sols et des conditions météorologiques. En complément, retrouvez nos "bulletins Bilan hydrique", réalisés pour les zones du Nantais, Anjou, Saumur, Touraine et Jasnières.

 

 

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